Ma petite fée

Ma petite fée,

Ce matin au détour de l'aurore, alors que le linceul bleu de tes rêves vaporeux t'enveloppait encore, que tu flottais légère dans de douces chimères, j'ai croisé un elfe à l'éclat impérieux. De ses yeux de bharal au regard plus aride et sauvage que les terres australes, il a plongé en moi. S'engouffrant dans les brèches de mon antre, il a vite inhalé l'odeur âcre et rancie des caillots de sang noirci qui s'amoncellent sur les pentes de mes failles béantes. Il a dans l’instant subodoré l'immensité de ma douleur et au cœur de mes peines laissé choir ses oreilles dans le flot mazouté qui s’écoule par mes veines, écumant sans repos une perfide rengaine. Celle qui souffle en sourdine, fourbe allure anodine, qu'inéluctable est le sortilège qui m'assiège, qu'éternel sera le piège. Découvrant la misère qui s'installe et qui ère au creux de mes viscères, exhumant en tremblant les meurtrissures de mes chairs, parcourant les décombres enfouis dans la pénombre de mes entrailles suintant des blessures en surnombre, il a lu mes maux sombres comme on déchiffre un livre des ombres.

Alors pris de terreur face au torrent de mes pleurs, appréhendant l'ampleur du maléfice, n'écoutant que son cœur, prêt à livrer sa gnose en sacrifice, il a souhaité m'aider à tenter de déjouer le vice. Livrant tout son savoir qu'il m'a donné à boire, il m'a parlé d'une clé, magique et guérisseuse, au pouvoir plus puissant que tous les onguents. Une clé que je possède, quelque part sur mes terres, une clé qui je l'espère résoudra les mystères. Une clé qu'on détient tous, oubliée et perdue au plus profond des mers de nos âmes desséchées.

N'ayant plus d'autre espoir, je me risque à le croire. Il m'invite au voyage, à marcher sous l'orage, arborant un visage infatigable et sans âge, avec pour seul bagage une montagne de courage, avec pour seul adage la défiance des aigres présages, avec pour seul blindage la cuirasse d’un sage, avec pour unique gage celui de son parrainage. Je prends ma crainte en otage, louvoie vers de lointains rivages, je ne laisserai dans mon sillage aucune trace de mon passage.

Il me faut saisir l’audace par la main, partir sans une liasse en poche, partir sans rien, rester tenace quoi qu’il m’en coûte, la menace est fidèle sur cette route, ne pas flancher sur le chemin, ne pas me retourner vers la glace du passé, le laisser loin, pour ne pas perdre la face de mon destin.

Je m'en vais sur-le-champ, zoner des jours durant, je n'ai même pas le temps de te serrer tendrement. Je pars dans la seconde, sous le tonnerre qui gronde, les éclairs qui m'enserrent et s'écrasent comme tirés par des frondes. Je fuis vers l'espérance, celle qui panse ma souffrance, aux confins de mon monde, avant que la frayeur m'inonde. Je serai téméraire, je traverserai l’austère et glacée forêt des songes, défierai le péril jusqu’au bout de l’exil, j’y affronterai les dangers car semble s'y cache la réponse au malheur qui me ronge.

J'espère te retrouver sous un ciel étoilé ma petite fée, j'espère à mon retour te serrer fort, mon seul trésor. Prends soin de toi en attendant, protège ta clé comme un diamant, car c'est bien toi ma coccinelle qui ensorcelle mon cœur fêlé d’un si léger battement d’ailes, c’est toi qui adoucit mon monde cruel de tes rires au parfum de miel, qui me retient souvent de décrocher la nacelle et de me dissoudre dans le ciel, oui c’est bien toi mon ange rebelle qui renferme mon essentiel. Tu resteras quoi qu’il en soit mon seul autel et mon antidote éternel.

Je t'embrasse fort ma précieuse enfant, ta tendre sorcière de mère qui t'aime tant.

texte écrit par 17.CCL.Anonyme17

La suprême magie

Il était une fée qui prenait son repos,
Après avoir fini sa tournée des berceaux,
Lorsque soudain toqua une vieille sorcière
Pour la solliciter, plaintive et grimacière.
« J'aimerais tant, dit-elle, aller dans ce château
Où l'on danse plaisamment au rythme du flûteau !
Mais il faut forcément pour être admise au bal
Se présenter masquée en air de carnaval !
Or je ne connais point les règles de l'élite
Occupée que je suis, le nez dans mes marmites !
Vous avez maintes fois sauvé des cendrillons
En métamorphosant leurs pauvres cotillons,
Ayez un peu pitié de ma situation,
Puisque je souffre fort de ma réputation !
- Pourquoi vous déguiser ? lui répondit la fée,
Votre seule apparence y fera son effet :
Venez comme vous êtes en habits de sorcière
Qui par leur disgrâce vous mettront en lumière,
Car n'est-ce pas magie que de se faire passer
Pour ce qu'on est vraiment sans être déguisée ?
Nul besoin d'ornement, non plus de poudre aux yeux,
Pour connaître ce soir un succès prodigieux ! »

N'ayant lors d'autre choix que de lui faire confiance
La sorcière salua avec reconnaissance,
Et puis se présenta tout en haut du perron
Non sans appréhender un retour de bâton.
En guise de succès ce fut une victoire
Qui lui fit savourer l'ivresse de la gloire :
On la félicita, on lui fit compliment
D'avoir eu tant d'audace en cet accoutrement.
Elle était à coup sûr bien plus vraie que nature
Dans ce déguisement qui avait fière allure !
Quelle fabuleuse idée était-ce de venir
En tenue de sorcière hideuse à défaillir,
D'avoir si bien imité son aspect repoussant
Jusqu'à lui emprunter son rictus menaçant !
Aussi le lendemain notre vieille édentée
S'empressa de trouver la bienveillante fée,
Pour la dédommager d'avoir fait des merveilles,
En lui faisant présent d'une soupe d'oseille.

Épris de naturel et de simplicité
Vous en retiendrez donc cette moralité :
Les sorcières d'antan et les fées d'autrefois
Ont gardé tous ces charmes qui nous laissent pantois,
Ainsi que les secrets de tous leurs sortilèges
Dont les simples mortels n'auront le privilège,
Sans regret ni envie, parce qu'en vérité
La suprême magie est l'authenticité.

texte écrit par 23.CCL.Anonyme23

DLV2020 affiche courtlet

 La 6è édition du festival "Des Livres&Vous" se déroulera
du 4 au 10 avril 2020 sur le thème:

"Fées sorcières et compagnie"

la date limite de dépôt des oeuvres littéraires à présenter
lors du concours "Court-lettrage" est fixée au
4 mars 2020

N'hésitez pas à prendre contact avec Luciane Brunner, volontaire en service civique sur cette mission. Vous pouvez la joindre du lundi au jeudi à l'UTL en appelant 04 92 51 38 94.

 Consulter le règlement du concours 

Le début d'une histoire

« Chaque fois qu’un enfant dit : « Je ne crois pas aux fées », il y a quelque part une petite fée qui meurt ». Il adorait cette phrase tirée du livre « Peter Pan » de James Barrie, son livre fétiche depuis tout petit. Depuis, il rêvait d’être écrivain célèbre, conteur de magie et de fantaisie. Mais pour le moment, à part le vent glacial qui s’engouffrait dans sa minuscule pièce à vivre nichée sous les toits
de Paris, il n’avait pas beaucoup avancé dans la vie. Il avait déjà plusieurs fois essayé de franchir le monde réel pour passer dans l’Autre. Il avait essayé l’opium et même l’absinthe car il avait entendu dire que cela faisait apparaître des fées vertes. Mais rien n’y faisait. Il ne pouvait s’empêcher de penser qu’à sa naissance ce n’était sûrement pas des fées qui s’étaient penchées sur son berceau
mais plutôt des trolls véreux et pernicieux...
À trop penser à sa pauvre vie désastreuse, il n’avait pas prêté attention aux grosses gouttes de pluie qui commençaient à transpercer sauvagement le toit que lui servait de refuge. Son livre préféré se retrouva trempé en quelques secondes ; trop tard pour le sauver. L’encre avait coulée et le livre était gorgé d’eau. De rage, il l’envoya s’écraser contre le mur et toutes les feuilles volèrent dans la pièce.
Cette fois, s’en était trop. Le poids de ces dernières années laborieuses et solitaires l’écrasait. Il se recroquevilla dans un coin de la pièce et se mit à pleurer. Ses larmes tombèrent sur des pages volantes devenues papier mâché. Soudain, les lettres se mirent à scintiller. Il ferma les yeux, pensant à une hallucination. Cependant, lorsqu’il les rouvrit il n’était plus dans sa chambre. Il était assis par terre, au pied d’un majestueux saule pleureur. L’herbe sous ses pieds était soyeuse, d’un vert
éclatant, tout comme la couleur des fleurs, des arbres et du ciel atour de lui.
Il lui semblait qu’il était dans un rêve tellement tout était beau et féerique...
Soudain, il sursauta. Il n’avait pas vu les deux petites créatures qui lui faisaient face. L’une était une sorte de petit troll grassouillet avec un gros nez rond et des yeux globuleux. L’autre était une jolie fée, ondulant l’air avec ses petites ailes dorées qui faisaient danser ses cheveux acajou. Tous deux lui arrivaient à peine aux genoux mais ne semblaient pas effrayés. Au contraire, ils le contemplait en
souriant. Lui-même, et malgré le fait de de ne pas savoir où il se trouvait n’éprouvait bizarrement
pas la moindre peur...
Le troll prit la parole le premier :
- Alors c’est lui le morveux qui pense qu’on est véreux ?
- Morveux ? Excusez-moi...monsieur tenta-t-il, j’ai bientôt trente ans !
Les deux créatures éclatèrent de rire. La fée, qui avait une jolie couronne de fleurs sur la tête parla d’une voix douce :
- Tu en as mis du temps pour venir. Ne pleures-tu donc jamais ?
Pleurer ? Pourquoi diable cette fée sortie de nulle part lui demandait-il s’il pleurait ? Il se gratta la tête, se pinça, s’écarquilla nerveusement les yeux pensant être en train de rêver. Rien n’y fit.
- Que... quoi ? Mais qui êtes-vous ? Et où suis-je ?
Le paysage avait beau être féerique, la situation commençait à l’agacer.
Les deux créatures se rapprochèrent : « Il n’est pas très futé » entendit-il dire le troll à la fée.
Elle prit à nouveau la parole :
- Tu es un... messager. Comment crois-tu que les contes de fées ont-ils pris vie dans votre monde ? Penses-tu vraiment que cela sort de l’imagination des humains?  Non, c’est nous qui choisissons quelles histoires sont racontées dans vos livres, et qui les écrira. Si vous les élus, êtes assez sensibles pour pleurer un jour, vos larmes vous amènent ici. Elle deviennent magiques. Votre sensibilité et votre croyance, c’est votre épreuve pour arriver jusqu’à nous. Certains ont échoué. Toi
tu as mis... un peu de temps, dit-elle dans un clin d’œil.
- Alors, je suis vraiment digne de devenir écrivain ?
Son cœur s’allégea. La situation le dépassait et pourtant au fond de lui, quoique cela puisse être, il sentait qu’elle disait la vérité et que c’était son destin d’écrire un jour.
- Bien sûr ! D’où penses-tu que vient cette obsession pour notre monde ? Nous t’avons choisis dès la naissance. Ton destin est d’écrire nos aventures, nous te donnons seulement un petit coup de pouce. Si le peuple humain ne croit plus en nous, nous cesserons d’exister...
Cette dernière phrase lui rappelait celle de son livre préféré. L’auteur de ce dernier s’était t’il déjà tenu ici avant d’écrire « Peter Pan » ? En son for intérieur il en était persuadé alors il décida de garder cette pensée positive pour lui . La fée, imperturbable, continuait de parler :
- Pour survivre, il nous faut sauvegarder l’imaginaire et le rêve chez les humains. En retour, votre vie est remplie de féerie. Nos deux mondes s’entraident à mieux vivre... mais cela doit rester secret.
- Mais comment pourrais-je écrire sur vous si je dois garder ça secret ?
Les deux créatures se regardèrent, puis la fée claqua des doigts et brusquement, il s’endormit. Lorsqu’il rouvrit les yeux, il était de nouveau dans sa pièce miteuse, sous les toits de Paris. Il avait l’impression d’avoir dormi des heures, mais d’avoir fait un joli rêve. Le soleil avait reparu, il pouvait sentir sa douce chaleur à travers les tuiles pleines de trous et de mousse. Ses yeux se posèrent sur son livre favori. Bizarre. Il était sûr que ce dernier était tombé en friche lors du violent orage. Mais quand avait eu lieu cet orage ? Et comment son livre pouvait-il être intact ?
Il avait du mal à se remémorer les dernières heures. Le livre semblait différent . Il le prit dans ses mains et soudain son cœur s’accéléra. Il y avait toujours la même image féerique imprimée sur la couverture mais le tire avait changé. Il pouvait désormais y lire :
« Tome I : Chroniques & aventures du peuple de Lumis », par Thomas Kurt.
Il avait écrit son premier livre. Enfin... presque !

texte écrit par 21.CCL.Anonyme21

  1. Du rififi à la Pépinière
  2. Nécessité
  3. Les mal-aimés
  4. Humeurs de la Marquise
  5. Ma petite fée
  6. Marfa la Chamane
  7. Le début d'une histoire
  8. La suprême magie

La semaine DL&V risquant d'être reportée, voire annulée, nous vous proposons 8 textes qui ont retenu l'attention du Jury. Parmi eux se trouvent les 3 Lauréats. Saurez vous les trouver?

 Vous pouvez, après lecture, donner votre appréciation sous forme d'un vote "étoilé"; cela permettra de confronter ensuite vos ressentis avec ceux du jury. Bonne découverte.

MARFA la chamane

Marfa avance sur le chemin. Son pas tellurique en soulève la poussière. Après les temps glacés de l'hiver sibérien, le printemps est arrivé, brutal et chaud. Ce matin, elle a enduit son visage et sa chevelure grisonnante d'un onguent aux herbes des marais et les insectes vibrionnants de la steppe ne l'agressent pas mais la suivent, dessinant un nimbe au-dessus de sa tête. Ce matin, elle a revêtu sa longue tunique brune serrée à la taille par un lien de cuir et ses sandales de paille tressée, insignes de son statu.Ce matin, elle a étreint le bouleau multiséculaire qui lui transmet la voix des esprits. L'enserrant, elle a ressenti la transe et su quelle est sa mission.
Au terme de sa marche, la voici qui se présente à la sentinelle du camp d'Omsk, île misérable de cet Archipel du Goulag où près de deux cents juifs échappés de Pologne au printemps 1940 ont été parqués par les autorités soviétiques.
« Je suis venue pour l'enfant qui est né, il a besoin de moi.
-Qui donc t'a prévenue, espèce de sorcière ? Dénonce le !
-Je le sais, c'est tout. Amène moi seulement auprès de lui et de ses parents, le tailleur Rubin et sa femme Chaja. Sache que le chef du camp sera fâché contre toi si tu n'obéis pas à ma demande. Il connaît mon pouvoir et respecte ma science. »
Et dans ce coin de terre inhospitalière, la chamane sourit, constatant une fois de plus que son savoir ancestral impressionne envers et contre tout le garde pourtant formé à l'école des Komsomols. De son pas solennel, Marfa longe les allées du camp , observe les barraques.Au fond de l'une d'elles s'est installée la famille. A son approche, la jeune mère a un mouvement de
recul et le bébé se met à pleurer dans ses bras tremblants. 
« Ne crains rien, je suis Marfa, la chamane. Ton mari me connaît, il a travaillé au bûcheronnage dans notre village. Au risque d'abîmer ses mains de tailleur, quelle pitié. Nous l'estimons tous et moi la première. Laisse moi m'occuper de ton fils, pour le rendre fort. »
La chamane prend l'enfant que lui tend sa mère, le dénude et entreprend de le masser, travaillant ses articulations, lui dépliant les bras, étirant ses jambes, chatouillant son torse, caressant son dos, soufflant doucement sur lui, malaxant ses faibles muscles. L'onguent dont elle imprègne la peau du nourrisson dégage un parfum puissant d'herbes aromatiques. Ni les insectes des plaines, ni ceux des fûtaies, ni ceux des marais ne l'agresseront jamais. Les mains de la chamane se font douces sur le corps gracile du nouveau-né qui lui sourit, tandis que la femme psalmodie dans une langue inconnue, celle de ses lointains ancêtres nenetz. Sa voix se fait rauque dans un antique chant de la taïga. Puis elle rhabille le tout petit. Quand elle remet l'enfant apaisé à sa mère, elle souffle rapidement en russe (et si on les espionnait?) à l'oreille du père.
« Prends cette bourse de cuir à mon cou et absorbes en tout le contenu même si tu le trouves amer. C'est du sel de terre. Interdis à ta femme d'y toucher, son lait se tarirait dans ses seins et cela mettrait l'enfant en péril. Je suis ici pour que vous viviez ; Quand tu auras consommé tout le sel, bois l'eau de cette gourde. Tes chevilles vont gonfler, tes jambes vont enfler et
tu n'iras pas à la guerre, tu resteras auprès des tiens et tu les protégeras. 
-Mais que dis-tu là, Marfa, nous sommes loin du front et le Traité Germano-soviètique nous protège, même ici, dans les conditions que tu connais !
-Chut mon garçon ! Je sais tout du passé et de l'avenir. Le vent, les feuillages me parlent.Fais comme je te dis, Rubin, et vous serez saufs, c'est Marfa la chamane qui te le promet ».
Sur ces mots, le chamane tourne les talons et s'en va, d'un pas extatique.Elle sait qu'il en sera fait selon la volonté des esprits même s'il n'y a pas de mohel pour recevoir cet enfançon. Marfa marche, lasse mais bienheureuse.
Le lendemain, le camp d'Omsk sera démantelé, du moins pour un temps., à la suite de la rupture du Traité Germano-soviétique, les Polonais valides envoyés au combat, sauf Rubin et sa famille expédiés plus loin au Karlag de Karaganda, mais ceci est une autre histoire!

texte écrit par 20.CCL.Anonyme20

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