Le début d'une histoire
« Chaque fois qu’un enfant dit : « Je ne crois pas aux fées », il y a quelque part une petite fée qui meurt ». Il adorait cette phrase tirée du livre « Peter Pan » de James Barrie, son livre fétiche depuis tout petit. Depuis, il rêvait d’être écrivain célèbre, conteur de magie et de fantaisie. Mais pour le moment, à part le vent glacial qui s’engouffrait dans sa minuscule pièce à vivre nichée sous les toits
de Paris, il n’avait pas beaucoup avancé dans la vie. Il avait déjà plusieurs fois essayé de franchir le monde réel pour passer dans l’Autre. Il avait essayé l’opium et même l’absinthe car il avait entendu dire que cela faisait apparaître des fées vertes. Mais rien n’y faisait. Il ne pouvait s’empêcher de penser qu’à sa naissance ce n’était sûrement pas des fées qui s’étaient penchées sur son berceau
mais plutôt des trolls véreux et pernicieux...
À trop penser à sa pauvre vie désastreuse, il n’avait pas prêté attention aux grosses gouttes de pluie qui commençaient à transpercer sauvagement le toit que lui servait de refuge. Son livre préféré se retrouva trempé en quelques secondes ; trop tard pour le sauver. L’encre avait coulée et le livre était gorgé d’eau. De rage, il l’envoya s’écraser contre le mur et toutes les feuilles volèrent dans la pièce.
Cette fois, s’en était trop. Le poids de ces dernières années laborieuses et solitaires l’écrasait. Il se recroquevilla dans un coin de la pièce et se mit à pleurer. Ses larmes tombèrent sur des pages volantes devenues papier mâché. Soudain, les lettres se mirent à scintiller. Il ferma les yeux, pensant à une hallucination. Cependant, lorsqu’il les rouvrit il n’était plus dans sa chambre. Il était assis par terre, au pied d’un majestueux saule pleureur. L’herbe sous ses pieds était soyeuse, d’un vert
éclatant, tout comme la couleur des fleurs, des arbres et du ciel atour de lui.
Il lui semblait qu’il était dans un rêve tellement tout était beau et féerique...
Soudain, il sursauta. Il n’avait pas vu les deux petites créatures qui lui faisaient face. L’une était une sorte de petit troll grassouillet avec un gros nez rond et des yeux globuleux. L’autre était une jolie fée, ondulant l’air avec ses petites ailes dorées qui faisaient danser ses cheveux acajou. Tous deux lui arrivaient à peine aux genoux mais ne semblaient pas effrayés. Au contraire, ils le contemplait en
souriant. Lui-même, et malgré le fait de de ne pas savoir où il se trouvait n’éprouvait bizarrement
pas la moindre peur...
Le troll prit la parole le premier :
- Alors c’est lui le morveux qui pense qu’on est véreux ?
- Morveux ? Excusez-moi...monsieur tenta-t-il, j’ai bientôt trente ans !
Les deux créatures éclatèrent de rire. La fée, qui avait une jolie couronne de fleurs sur la tête parla d’une voix douce :
- Tu en as mis du temps pour venir. Ne pleures-tu donc jamais ?
Pleurer ? Pourquoi diable cette fée sortie de nulle part lui demandait-il s’il pleurait ? Il se gratta la tête, se pinça, s’écarquilla nerveusement les yeux pensant être en train de rêver. Rien n’y fit.
- Que... quoi ? Mais qui êtes-vous ? Et où suis-je ?
Le paysage avait beau être féerique, la situation commençait à l’agacer.
Les deux créatures se rapprochèrent : « Il n’est pas très futé » entendit-il dire le troll à la fée.
Elle prit à nouveau la parole :
- Tu es un... messager. Comment crois-tu que les contes de fées ont-ils pris vie dans votre monde ? Penses-tu vraiment que cela sort de l’imagination des humains? Non, c’est nous qui choisissons quelles histoires sont racontées dans vos livres, et qui les écrira. Si vous les élus, êtes assez sensibles pour pleurer un jour, vos larmes vous amènent ici. Elle deviennent magiques. Votre sensibilité et votre croyance, c’est votre épreuve pour arriver jusqu’à nous. Certains ont échoué. Toi
tu as mis... un peu de temps, dit-elle dans un clin d’œil.
- Alors, je suis vraiment digne de devenir écrivain ?
Son cœur s’allégea. La situation le dépassait et pourtant au fond de lui, quoique cela puisse être, il sentait qu’elle disait la vérité et que c’était son destin d’écrire un jour.
- Bien sûr ! D’où penses-tu que vient cette obsession pour notre monde ? Nous t’avons choisis dès la naissance. Ton destin est d’écrire nos aventures, nous te donnons seulement un petit coup de pouce. Si le peuple humain ne croit plus en nous, nous cesserons d’exister...
Cette dernière phrase lui rappelait celle de son livre préféré. L’auteur de ce dernier s’était t’il déjà tenu ici avant d’écrire « Peter Pan » ? En son for intérieur il en était persuadé alors il décida de garder cette pensée positive pour lui . La fée, imperturbable, continuait de parler :
- Pour survivre, il nous faut sauvegarder l’imaginaire et le rêve chez les humains. En retour, votre vie est remplie de féerie. Nos deux mondes s’entraident à mieux vivre... mais cela doit rester secret.
- Mais comment pourrais-je écrire sur vous si je dois garder ça secret ?
Les deux créatures se regardèrent, puis la fée claqua des doigts et brusquement, il s’endormit. Lorsqu’il rouvrit les yeux, il était de nouveau dans sa pièce miteuse, sous les toits de Paris. Il avait l’impression d’avoir dormi des heures, mais d’avoir fait un joli rêve. Le soleil avait reparu, il pouvait sentir sa douce chaleur à travers les tuiles pleines de trous et de mousse. Ses yeux se posèrent sur son livre favori. Bizarre. Il était sûr que ce dernier était tombé en friche lors du violent orage. Mais quand avait eu lieu cet orage ? Et comment son livre pouvait-il être intact ?
Il avait du mal à se remémorer les dernières heures. Le livre semblait différent . Il le prit dans ses mains et soudain son cœur s’accéléra. Il y avait toujours la même image féerique imprimée sur la couverture mais le tire avait changé. Il pouvait désormais y lire :
« Tome I : Chroniques & aventures du peuple de Lumis », par Thomas Kurt.
Il avait écrit son premier livre. Enfin... presque !
texte écrit par 21.CCL.Anonyme21