Dimanche de Pâques : le petit Noé se réveille. c’est sûr, cette année encore les cloches seront passées dans le jardin de la ferme.
Noe est un enfant heureux de vivre, il aime sa ferme, ses poules, ses vaches et les grands champs de céréales autour de la maison.
Mais Noe a un désir secret: depuis qu’il a lu “l’ile au trésor”il rêve de mer.
Plus tard il se verrait bien capitaine de vaisseau découvrant des terres inconnues,ou pourquoi pas pirate?
En attendant, il construit des maquettes de navire.
Dans sa chambre,sur la commode trône son plus cher trésor:un magnifique trois mats dans une jolie bouteille de verre.Il s’endort et se réveille chaque jour les yeux fixés sur cette promesse d’aventure...
Il se frotte les yeux,enfile un pull à toute vitesse et sort en courant,les pieds nus.Et là surprise:il n’en croit pas ses yeux : les cloches l’ont exaucé.
Au milieu du grand champ des blayes......un bateau! Unvrai! un bateau posé sur un nid géant.Il ne peut pas naviguer, certes mais comme il va pouvoir s’amuser! Il fera monter à bord le chat,le chien,une poule ou deux et aussi des lapins...L’aventure va pouvoir commencer.
Cela faisait plusieurs soirées que notre père en parlait. Cet été nous irons faire du bateau sur le lac ! Il avait acheté une barque, dont les rames entreposées sur le balcon en était pour nous la preuve ! Nos rêves d'enfants étaient désormais liés à cette aventure prochaine : ramer, pêcher, nager au milieu du lac,.,,les vacances s'annonçaient géantes !
Début juillet, la voiture est pleine, les rames sont arrimées sur la galerie, à nous l'aventure ! 3 heures de routes, vite avalées à force de compter les voitures rouges, énumérer les départements, repérer les camions , les voitures étrangères...
Notre père annonce l'ultime virage avant de découvrir le lac dans toute sa splendeur. Horreur !!, le lac est vide, pas d' eau si ce n'est un filet au milieu qu'on devine à peine dans un canyon.
Après ce moment de stupeur nous allons jusqu'à notre campement, laissons la voiture et notre père nous mène jusqu'à l'embarcadère.
Sans le connaître , nous reconnaissons notre bateau, sa coque dorée, le liseré rouge. On ne voit que ça le reste est englouti dans la vase, prisonnier d'une gangue informe, grotesque .
En choeur nous nous mettons à pleurer mon frère est moi, nos parents essaient de nous consoler mais on les sent aussi dépités et tristes.
Fin l'aventure avant même d'avoir commenceé, ces 15 jours de vacances seront les plus sombres de mon enfance.
C'est plus tard, beaucoup plus tard que je me suis souvenue de nos délires joyeux d'enfants qui ont dures 2 mois, à partir du moment où nous avons su que nous aurions un bateau. Cela avait alimenté notre imaginaire,, avait été source de complicité unique avec mon frère, nous avions beaucoup ri, nous nous étions disputé un peu aussi. Nous nous inventions des scénarios de pirates et naufragés. Finalement ce temps avait duré plus longtemps que les vacances elles-mêmes et se fut aussi une belle aventure !
Odile
Gris, gris, gris, tout est gris. Le ciel, la terre, les maisons éventrées, les épaves de voiture, les restes d’un square, de jeux d’enfants, les poutres et lampadaires à terre. Grises les rues où plus personne ne circule. Tous les habitants ont été évacués. Chaitén, Chili sud, après une éruption de cendres du volcan du même nom. Le petit bourg au bord de l’eau a été entièrement recouvert par des tonnes de poussière grise. Nous approchons de ce qui fut le port. Les maisons sont enfoncées de travers, murs penchés, premier étage de plain pied. Les bateaux sont à demi enterrés, poupes ou proues enfoncées dans le gris solide. La vraie mer, liquide, a reculé d’au moins cent mètres. Elle se devine au loin. Paysage lunaire par l’absence de bruit, de couleur, de mouvement, mêlé à l’évocation sinistre de la vie passée. Nous continuons le long de ce qui fut une jetée. Un faible rayon de soleil a fini par percer. Au milieu du gris, un espace lumineux : une coque de bateau, émergeant aux deux tiers. Pourquoi n’est-elle pas grise ? Est-elle venue après, pour se faire bloquer dans une mer de cendres ? Ou le propriétaire, de retour pour constater les dégâts, l’a-t-il nettoyée pour atténuer son désespoir ? Sous elle, les vaguelettes grises semblent sortir de l’immobilité.
J'ai marché dans les dunes, longtemps bercée par le chant des chameliers J'ai marché dans le sable doux, sans peur du danger.
Nous nous sommes arrêtés quelques instants pour nous reposer et nous désaltérer.
Autour de nous, du sable mêlé de matières grisâtres quelques branches éparpillées restes d'un arbre asséché par le vent.
Un objet insolite, attire mon attention, à moitié recouvert de branches et de sable. Je m'approche. Avec précaution, de mon pied, je repousse le sable. Un appareil photo ! Surprenant, il n'est pas refermé. Qui l'a perdu? La batterie est encore active. J'appuie. Une photo apparait, la dernière prise par l'imprudent : un magnifique, énorme serpent... Alors je comprends. Le beau serpent a dû manger l'étourdi. Puis lui, l'aventure est finie, là dans les dunes, tant pis !
Nous reprenons notre marche bercés par la mélopée du chamelier ultime requiem.
La photo est sombre. Les nuages montent noires lourds. La photo est belle, immobile dans son mouvement continu Il a suffi de cet homme, cette silhouette au bord du volcan, les mains croisées dans le dos pour ressentir toute l’interrogation humaine et oublier ce qui ne serait qu’un paysage. Et tout d’un coup on voit l’humain, le petit humain immobile face à ces fumées qui remontent inlassables des entrailles de la terre Fumées millénaires et en face l’aventure humaine qui n’en finit pas, qui n’en finit jamais Et toi l’homme qui ne cesse de t’interroger L’homme qui cherche et n’en finit pas
Australie. Sur la route droite et interminable qui mène à Alice Springs, Thomas et moi faisons du stop. Deux amis australiens nous ont laissé là avant de retourner à Adelaïde. Après quelques voitures, et deux cents kilomètres de parcourus, une longue attente, tout l’après-midi. A dix sept heures, le chauffeur d’un pick-up nous propose de nous amener jusqu’à un village proche, où il habite. Nous acceptons. Et à nouveau le pouce levé. Rien, aucun véhicule. Deux néozélandaises qui font aussi du stop sortent leur petite tente. La nuit va tomber, aucun espoir pour ce soir. Nous n’avons ni tente, ni matelas, seulement un léger sac de couchage. La seule auberge du village est tenue par notre dernier chauffeur. Elle est chère, et nous ne voulons pas tomber dans son piège. A côté de l’étendue plate de la route, un petit bosquet. Une partie est transformée en cimetière de voitures. Nous explorons quelques carcasses, en sélectionnons une un peu isolée près d’une rangée d’arbres<. Le plancher n’est pas trop troué, peu défoncé, presque horizontal. Elle sera parfaite pour nous isoler des serpents, insectes, ou autre faune variée et inquiétante. Nous balayons les crottes de kangourou, récoltons quelques restes de siège pour faire coussins, et nous enfournons dedans. Plus ou moins protégés par la carcasse, nous dormons à poings fermés. Demain sera un autre jour pour nous rapprocher d’Alice Springs.
Patricia Thuriet UTL Gap 4 avril 2019
LA VOITURE ABANDONNEE
Calée contre les arbres au bout de l’aventure Le soleil envoie un petit clin d’œil avant l’endormissement de la nuit. Le lierre enveloppe de douceur celle qui n’ira pas plus loin Jetée là au coin du chemin Comme à la poubelle. Les portières se sont ouvertes et n’ont plus rien à dire et le coffre bee comme un poisson mort Au bord du chemin les marches bringueballantes s’apitoient C’était trop pour toi Repose toi maintenant. Au bout de l’aventure endors toi. Elisabeth
II se tient droit, fier dans sa ferraille. Il en a parcouru des kilomètres et des kilomètres. Il appartenait au fils du maire. Il a remporté plusieurs victoires. Il a bravé toutes les saisons. Dans le vélo, tout rouillant de vieillesse se cache une richesse de souvenirs. Un objet du passé, oublié dans la nature verdoyante qui vit encore à nos yeux. Il n'est plus utilisable. Il manque la selle, la roue. Il décore le paysage. Il attire le regard. Il ravive le portrait de mon grand-père, cycliste dans l'âme. Dans l'herbe, la posture du vélo gisant de beauté est un clin d'œil pour toi Marcel. Repose en paix.
Muriel
RETOUR EN ARRIÈRE
Il a fallu vingt ans d’intempéries pour me mettre dans cet état !... A l’époque, croyez-moi, j’étais magnifique et dernier cri sur le panel des vélos de course !... Mes couleurs explosaient portées par un cadre léger et solide... Mes rayons rutilaient faisant vibrer le soleil au moindre tour de roue... Lorsque j’avançais sous le poids du cycliste qui avait su m’apprivoiser, je pensais sincèrement que nous ferions ensemble une longue route, une route de découvertes et de bonheur partagé... Nous aurions ri et transpiré ensemble... C’était une belle destinée qui nous attendait ! Mais pour nous la vie avait prévu une autre trajectoire... Je n’ai eu qu’un jour de gloire , et encore !... Depuis vingt ans je me demande comment le pédalier a pu s’accrocher dans une roche mal placée que nous n’avions pas remarquée... Comment Pedro a fait ce vol plané vers le vide avant que j’ai pu réagir !... Je l’ai vu s’éjecter, seul, vers l’abîme vertigineux qui longeait la route... Bien sûr, il n’a pas survécu... On l’a retrouvé 2 jours plus tard au creux du torrent...
Moi, on m’a délaissé, oublié... Depuis toutes ces années, j’ai sous les yeux le panorama qui lui a coûté la vie et reste rongé par le remords de n’avoir pas pu le protéger...
"Ils étaient des milliers, ils étaient 20 et 100..." chantait Jean Ferrat. Une voie ferrée désafectée, le terminus des trains. Nous sommes dans les Alpes, cette voie ferrée, ce tunnel, me ramène en Pologne. Auchwitz, Birkenau Un grand choc émotionnel... Au bout de l'horreur. Cette voie ferrée conduisant dans ce camp de la mort restera gravée en moi, à jamais. Je ne voulais pas franchir la grande porte surmontée de cette inscription impensable : "Arbeit macht frei" (Le travail rend libre).
Au bout de l'aventure, pour ces milliers de gens hagards, innocents, perdus, Au début de l'horreur.
"Ils étaient des milliers, ils étaient 20 et 100, Dans ces wagons plombés qui déchiraient la nuit..."
J'ai franchi la porte de l'horreur, j'ai marché le long des rails en pleurant. Je ne vous connaissais pas vous les hommes, les femmes, les enfants juifs. Je ne vous connaissais pas, vous les milliers de tsiganes exterminés... Mais, j'ai versé beaucoup de larmes pour vous.
Cette visite que je ne voulais pas faire, je l'ai faite en souvenir de vous, pour vous dire qu'on ne vous oublie pas.
"Ils étaient des milliers, ils étaient 20 et 100..." sur cette voie ferrée, sans retour.
Christiane mars 2019
HEUREUX QUI COMME ULYSSE...
Voila nous sommes arrivés à notre dernière destination.
Nous c’est “tut tut”,mon petit train et moi son humble conducteur.
Notre couple a avalé des milliers de kilomètres de rail.Nous avons traversé ensemble des tempêtes de neige,le froid,le vent,la nuit...sans faiblir.
Nous avons lézardé l’été,traversant des prairies où de paisibles vaches nous saluaient
C’est la retraite.Nous sommes là devant ce cyclope géant qui va engloutir “tut tut” mon petit train.
Mon coeur se serre d’angoisse.Voici le moment de se séparer.Oh bien sûr il nous est arrivé de prendre quelquefois un peu de bon temps,chacun de son côté,mais il y avait toujours nos retrouvailles au bout.
Là en cette minute c’est un adieu définitif.Comment se quitter là ,brutalement?Ma tête est emplie de souvenirs;ma bouche ne peut exprimer ce que mon coeur ressent.
Ce n’est pas possible que tout se termine ainsi;il a tant de choses que j’aurai voulu faire avec lui, tant de mots que je voudrais encore lui murmurer...
Je regarde “tut”tut”disparaitre lentement dans la bouche du monstre. Je fais demi tour.
Dangereuse, la roche acérée s’élève vers le ciel et, devant elle le vide, rien que le vide... Il en faudrait si peu pour qu’elle bascule dans le néant, pour qu’elle mette fin à son destin!... Depuis la plate-forme où elle a posé les pieds, que voit-elle? A quoi pense-t-elle?... Pour une fraction de seconde d’inattention, elle peut aller s’écraser en contre-bas comme un oiseau plombé auquel il ne reste aucune chance de survie... Est-elle si désespérée? L’aventure de sa vie lui insuffle-t-elle une telle envie d’en finir? Mais non, sans doute admire-t-elle ce panorama vertigineux et c’est sans le savoir qu’elle paraît sur l’image... Méfie-toi quand même mon inconnue. Tu sembles bien fragile sur ce promontoire, n’en doute pas, le vide attire! Allez, reviens en arrière, vers une contrée plus rassurante, dans un contexte plus humain... C’est beau la montagne mais ne la laisse pas décider pour toi, ne t’engouffres pas dans ses mirages... N’écoute pas ses promesses de dépassement de soi... Rappelle-toi qu’elle est très habile pour te faire miroiter monts et merveilles... mais qu’au moindre faux pas elle aura toujours le dernier mot! Annick
Slam du Sud
JE PARLE d'un filet d'eau qui coule doucement aux portes du désert, comme par surprise. IL DIT que la paroi est abrupte mais par endroits ouverte sur des vires confortables et un chemin vers le ciel. JE PARLE d'une falaise feuilletée comme un mille-feuilles. IL DIT les chutes de pierres sont à prévoir. IL PLAISANTE, peut-être recevrez-vous sur la tête une gravure rupeste préhistorique qui fera histoire auprès de vos amis. JE PARLE de mon enthousiasme. IL DIT la route sera longue, le sommet se mérite. JE PARLE de mon étonnement, et le chemin vers le ciel, où est-il ? IL DIT la sente muletière descend d'abord dans les gorges pour remonter à flanc de falaises pendant des heures. JE PARLE de mes doutes : le mulet ? Dois-je vraiment grimper sur cet animal ? IL DIT oui, il est têtu mais doux, attentionné, il fera en sorte que vous ne tombiez pas de la selle. JE PARLE du départ. IL DIT, et bien, allons-y !
Ecarlate, La nuit est d’une beauté satanique Les flammes lèchent l’édifice Plus aucun souffle Pour faire vibrer l’éolienne Les pales désœuvrées s’affaissent Le cri de ce puits abandonné Déchire le ciel Va t-il disparaître Sous l’assaut du brasier incandescent ? Le ciel volcanique irradie Des coulées d’or en fusion Dessinent la carte d’une mer ambrée Les arbres résistent vaillamment Ils confient leur sacrifice A la terre nourricière Espérant semer les graines du renouveau Leurs silhouettes se consument L’incendie brûle le sol, le ciel, l’air Détruit toute vie aérienne Mais, sous la terre, La survie s’organise. Sanguinaire, la nuit est d’une beauté flamboyante.
Simone Delorme
L'Éolienne..
Les feux proposent leur dernier apport de chaleur, de couleurs , leur ultime rendez-vous de lumière, narguant l'obscurité avide, tapie dans des bouquets d'arbres épars.
Dans un sursaut d'élégance, un squelette de métal aux pales inertes avoue sa soumission à l'inévitable force destructrice de l'usure. Il s'abandonne au ravage du temps dans la conviction de 1'accomplissement, du labeur consenti et achevé.
Sculpture fantomatique dans l'écrin souverain d'une nature à l'enveloppement maternel.