DU FOND DU VOLCAN

La photo est sombre. Les nuages montent noires lourds.
La photo est belle, immobile dans son mouvement continu
Il a suffi de cet homme, cette silhouette au bord du volcan, les mains croisées dans le dos pour ressentir toute l’interrogation humaine et oublier ce qui ne serait qu’un paysage.
Et tout d’un coup on voit l’humain, le petit humain immobile face à ces fumées qui remontent inlassables des entrailles de la terre
Fumées millénaires et en face l’aventure humaine qui n’en finit pas, qui n’en finit jamais
Et toi l’homme qui ne cesse de t’interroger
L’homme qui cherche et n’en finit pas

Elisabeth

Cimetière de voiture

Australie. Sur la route droite et interminable qui mène à Alice Springs, Thomas et moi faisons du stop. Deux amis australiens nous ont laissé là avant de retourner à Adelaïde. Après quelques voitures, et deux cents kilomètres de parcourus, une longue attente, tout l’après-midi. A dix sept heures, le chauffeur d’un pick-up nous propose de nous amener jusqu’à un village proche, où il habite. Nous acceptons. Et à nouveau le pouce levé. Rien, aucun véhicule. Deux néozélandaises qui font aussi du stop sortent leur petite tente. La nuit va tomber, aucun espoir pour ce soir. Nous n’avons ni tente, ni matelas, seulement un léger sac de couchage. La seule auberge du village est tenue par notre dernier chauffeur. Elle est chère, et nous ne voulons pas tomber dans son piège. A côté de l’étendue plate de la route, un petit bosquet. Une partie est transformée en cimetière de voitures. Nous explorons quelques carcasses, en sélectionnons une un peu isolée près d’une rangée d’arbres<. Le plancher n’est pas trop troué, peu défoncé, presque horizontal. Elle sera parfaite pour nous isoler des serpents, insectes, ou autre faune variée et inquiétante. Nous balayons les crottes de kangourou, récoltons quelques restes de siège pour faire coussins, et nous enfournons dedans. Plus ou moins protégés par la carcasse, nous dormons à poings fermés.
Demain sera un autre jour pour nous rapprocher d’Alice Springs.

Patricia Thuriet
UTL Gap 4 avril 2019

 

LA VOITURE ABANDONNEE

Calée contre les arbres au bout de l’aventure
Le soleil envoie un petit clin d’œil avant l’endormissement de la nuit.
Le lierre enveloppe de douceur celle qui n’ira pas plus loin Jetée là au coin du chemin
Comme à la poubelle.
Les portières se sont ouvertes et n’ont plus rien à dire et le coffre bee comme un poisson mort
Au bord du chemin les marches bringueballantes s’apitoient C’était trop pour toi Repose toi maintenant. Au bout de l’aventure endors toi.
Elisabeth

LE VELO DELAISSE

II se tient droit, fier dans sa ferraille.
Il en a parcouru des kilomètres et des kilomètres.
Il appartenait au fils du maire.
Il a remporté plusieurs victoires.
Il a bravé toutes les saisons.
Dans le vélo, tout rouillant de vieillesse se cache une richesse de souvenirs.
Un objet du passé, oublié dans la nature verdoyante qui vit encore à nos yeux.
Il n'est plus utilisable.
Il manque la selle, la roue.
Il décore le paysage.
Il attire le regard.
Il ravive le portrait de mon grand-père, cycliste dans l'âme.
Dans l'herbe, la posture du vélo gisant de beauté est un clin d'œil pour toi Marcel.
Repose en paix.

Muriel

RETOUR EN ARRIÈRE

Il a fallu vingt ans d’intempéries pour me mettre dans cet état !... A l’époque, croyez-moi, j’étais magnifique et dernier cri sur le panel des vélos de course !... Mes couleurs explosaient portées par un cadre léger et solide... Mes rayons rutilaient faisant vibrer le soleil au moindre tour de roue...
Lorsque j’avançais sous le poids du cycliste qui avait su m’apprivoiser, je pensais sincèrement que nous ferions ensemble une longue route, une route de découvertes et de bonheur partagé... Nous aurions ri et transpiré ensemble... C’était une belle destinée qui nous attendait !
Mais pour nous la vie avait prévu une autre trajectoire... Je n’ai eu qu’un jour de gloire , et encore !...
Depuis vingt ans je me demande comment le pédalier a pu s’accrocher dans une roche mal placée que nous n’avions pas remarquée... Comment Pedro a fait ce vol plané vers le vide avant que j’ai pu réagir !... Je l’ai vu s’éjecter, seul, vers l’abîme vertigineux qui longeait la route... Bien sûr, il n’a pas survécu... On l’a retrouvé 2 jours plus tard au creux du torrent...

Moi, on m’a délaissé, oublié... Depuis toutes ces années, j’ai sous les yeux le panorama qui lui a coûté la vie et reste rongé par le remords de n’avoir pas pu le protéger...

Annick

Au bout du voyage

"Ils étaient des milliers, ils étaient 20 et 100..." chantait Jean Ferrat.
Une voie ferrée désafectée, le terminus des trains. Nous sommes dans les Alpes, cette voie ferrée, ce tunnel, me ramène en Pologne.
Auchwitz, Birkenau
Un grand choc émotionnel... Au bout de l'horreur. Cette voie ferrée conduisant dans ce camp de la mort restera gravée en moi, à jamais. Je ne voulais pas franchir la grande porte surmontée de cette inscription impensable : "Arbeit macht frei" (Le travail rend libre).

Au bout de l'aventure, pour ces milliers de gens hagards, innocents, perdus,
Au début de l'horreur.

"Ils étaient des milliers, ils étaient 20 et 100,
Dans ces wagons plombés qui déchiraient la nuit..."

J'ai franchi la porte de l'horreur, j'ai marché le long des rails en pleurant. Je ne vous connaissais pas vous les hommes, les femmes, les enfants juifs. Je ne vous connaissais pas, vous les milliers de tsiganes exterminés... Mais, j'ai versé beaucoup de larmes pour vous.

Cette visite que je ne voulais pas faire, je l'ai faite en souvenir de vous, pour vous dire qu'on ne vous oublie pas.

"Ils étaient des milliers, ils étaient 20 et 100..." sur cette voie ferrée, sans retour.

Christiane
mars 2019

 

HEUREUX QUI COMME ULYSSE...

Voila nous sommes arrivés à notre dernière destination.

Nous c’est “tut tut”,mon petit train et moi son humble conducteur.

Notre couple a avalé des milliers de kilomètres de rail.Nous avons traversé ensemble des tempêtes de neige,le froid,le vent,la nuit...sans faiblir.

Nous avons lézardé l’été,traversant des prairies où de paisibles vaches nous saluaient

C’est la retraite.Nous sommes là devant ce cyclope géant qui va engloutir “tut tut” mon petit train.

Mon coeur se serre d’angoisse.Voici le moment de se séparer.Oh bien sûr il nous est arrivé de prendre quelquefois un peu de bon temps,chacun de son côté,mais il y avait toujours nos retrouvailles au bout.

Là en cette minute c’est un adieu définitif.Comment se quitter là ,brutalement?Ma tête est emplie de souvenirs;ma bouche ne peut exprimer ce que mon coeur ressent.

Ce n’est pas possible que tout se termine ainsi;il a tant de choses que j’aurai voulu faire avec lui,
tant de mots que je voudrais encore lui murmurer...

Je regarde “tut”tut”disparaitre lentement dans la bouche du monstre. Je fais demi tour.

Une nouvelle aventure m’attend...

Marylène

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