Au bout du voyage

"Ils étaient des milliers, ils étaient 20 et 100..." chantait Jean Ferrat.
Une voie ferrée désafectée, le terminus des trains. Nous sommes dans les Alpes, cette voie ferrée, ce tunnel, me ramène en Pologne.
Auchwitz, Birkenau
Un grand choc émotionnel... Au bout de l'horreur. Cette voie ferrée conduisant dans ce camp de la mort restera gravée en moi, à jamais. Je ne voulais pas franchir la grande porte surmontée de cette inscription impensable : "Arbeit macht frei" (Le travail rend libre).

Au bout de l'aventure, pour ces milliers de gens hagards, innocents, perdus,
Au début de l'horreur.

"Ils étaient des milliers, ils étaient 20 et 100,
Dans ces wagons plombés qui déchiraient la nuit..."

J'ai franchi la porte de l'horreur, j'ai marché le long des rails en pleurant. Je ne vous connaissais pas vous les hommes, les femmes, les enfants juifs. Je ne vous connaissais pas, vous les milliers de tsiganes exterminés... Mais, j'ai versé beaucoup de larmes pour vous.

Cette visite que je ne voulais pas faire, je l'ai faite en souvenir de vous, pour vous dire qu'on ne vous oublie pas.

"Ils étaient des milliers, ils étaient 20 et 100..." sur cette voie ferrée, sans retour.

Christiane
mars 2019

 

HEUREUX QUI COMME ULYSSE...

Voila nous sommes arrivés à notre dernière destination.

Nous c’est “tut tut”,mon petit train et moi son humble conducteur.

Notre couple a avalé des milliers de kilomètres de rail.Nous avons traversé ensemble des tempêtes de neige,le froid,le vent,la nuit...sans faiblir.

Nous avons lézardé l’été,traversant des prairies où de paisibles vaches nous saluaient

C’est la retraite.Nous sommes là devant ce cyclope géant qui va engloutir “tut tut” mon petit train.

Mon coeur se serre d’angoisse.Voici le moment de se séparer.Oh bien sûr il nous est arrivé de prendre quelquefois un peu de bon temps,chacun de son côté,mais il y avait toujours nos retrouvailles au bout.

Là en cette minute c’est un adieu définitif.Comment se quitter là ,brutalement?Ma tête est emplie de souvenirs;ma bouche ne peut exprimer ce que mon coeur ressent.

Ce n’est pas possible que tout se termine ainsi;il a tant de choses que j’aurai voulu faire avec lui,
tant de mots que je voudrais encore lui murmurer...

Je regarde “tut”tut”disparaitre lentement dans la bouche du monstre. Je fais demi tour.

Une nouvelle aventure m’attend...

Marylène

AU BOUT DE L’AVENTURE

Dangereuse, la roche acérée s’élève vers le ciel et, devant elle le vide, rien que le vide...
Il en faudrait si peu pour qu’elle bascule dans le néant, pour qu’elle mette fin à son destin!...
Depuis la plate-forme où elle a posé les pieds, que voit-elle? A quoi pense-t-elle?... Pour une fraction de seconde d’inattention, elle peut aller s’écraser en contre-bas comme un oiseau plombé auquel il ne reste aucune chance de survie...
Est-elle si désespérée? L’aventure de sa vie lui insuffle-t-elle une telle envie d’en finir? Mais non, sans doute admire-t-elle ce panorama vertigineux et c’est sans le savoir qu’elle paraît sur l’image...
Méfie-toi quand même mon inconnue. Tu sembles bien fragile sur ce promontoire, n’en doute pas, le vide attire!
Allez, reviens en arrière, vers une contrée plus rassurante, dans un contexte plus humain... C’est beau la montagne mais ne la laisse pas décider pour toi, ne t’engouffres pas dans ses mirages... N’écoute pas ses promesses de dépassement de soi... Rappelle-toi qu’elle est très habile pour te faire miroiter monts et merveilles... mais qu’au moindre faux pas elle aura toujours le dernier mot!
Annick

 

Slam du Sud

JE PARLE d'un filet d'eau qui coule doucement aux portes du désert, comme par
surprise.
IL DIT que la paroi est abrupte mais par endroits ouverte sur des vires confortables
et un chemin vers le ciel.
JE PARLE d'une falaise feuilletée comme un mille-feuilles.
IL DIT les chutes de pierres sont à prévoir.
IL PLAISANTE, peut-être recevrez-vous sur la tête une gravure rupeste
préhistorique qui fera histoire auprès de vos amis.
JE PARLE de mon enthousiasme.
IL DIT la route sera longue, le sommet se mérite.
JE PARLE de mon étonnement, et le chemin vers le ciel, où est-il ?
IL DIT la sente muletière descend d'abord dans les gorges pour remonter à flanc de
falaises pendant des heures.
JE PARLE de mes doutes : le mulet ? Dois-je vraiment grimper sur cet animal ?
IL DIT oui, il est têtu mais doux, attentionné, il fera en sorte que vous ne tombiez
pas de la selle.
JE PARLE du départ.
IL DIT, et bien, allons-y !

Virginie

L'éolienne

Ecarlate, La nuit est d’une beauté satanique
Les flammes lèchent l’édifice
Plus aucun souffle
Pour faire vibrer l’éolienne
Les pales désœuvrées
s’affaissent
Le cri de ce puits abandonné
Déchire le ciel
Va t-il disparaître
Sous l’assaut
du brasier incandescent ?
Le ciel volcanique irradie
Des coulées d’or en fusion
Dessinent la carte d’une mer ambrée
Les arbres résistent vaillamment
Ils confient leur sacrifice
A la terre nourricière
Espérant semer les graines du renouveau
Leurs silhouettes se consument
L’incendie brûle le sol, le ciel, l’air
Détruit toute vie aérienne
Mais, sous la terre,
La survie s’organise.
Sanguinaire, la nuit est d’une beauté flamboyante.

Simone Delorme

L'Éolienne..

Les feux proposent leur dernier apport de chaleur, de couleurs , leur ultime rendez-vous de lumière, narguant l'obscurité avide, tapie dans des bouquets d'arbres épars.

Dans un sursaut d'élégance, un squelette de métal aux pales inertes avoue sa soumission à l'inévitable force destructrice de l'usure.
Il s'abandonne au ravage du temps dans la conviction de 1'accomplissement, du labeur consenti et achevé.

Sculpture fantomatique dans l'écrin souverain d'une nature à l'enveloppement maternel.

Anne