La suprême magie
Il était une fée qui prenait son repos, 
Après avoir fini sa tournée des berceaux, 
Lorsque soudain toqua une vieille sorcière 
Pour la solliciter, plaintive et grimacière. 
« J'aimerais tant, dit-elle, aller dans ce château 
Où l'on danse plaisamment au rythme du flûteau ! 
Mais il faut forcément pour être admise au bal 
Se présenter masquée en air de carnaval ! 
Or je ne connais point les règles de l'élite 
Occupée que je suis, le nez dans mes marmites ! 
Vous avez maintes fois sauvé des cendrillons 
En métamorphosant leurs pauvres cotillons, 
Ayez un peu pitié de ma situation, 
Puisque je souffre fort de ma réputation ! 
- Pourquoi vous déguiser ? lui répondit la fée, 
Votre seule apparence y fera son effet : 
Venez comme vous êtes en habits de sorcière 
Qui par leur disgrâce vous mettront en lumière, 
Car n'est-ce pas magie que de se faire passer 
Pour ce qu'on est vraiment sans être déguisée ? 
Nul besoin d'ornement, non plus de poudre aux yeux, 
Pour connaître ce soir un succès prodigieux ! » 
N'ayant lors d'autre choix que de lui faire confiance 
La sorcière salua avec reconnaissance, 
Et puis se présenta tout en haut du perron 
Non sans appréhender un retour de bâton. 
En guise de succès ce fut une victoire 
Qui lui fit savourer l'ivresse de la gloire : 
On la félicita, on lui fit compliment 
D'avoir eu tant d'audace en cet accoutrement. 
Elle était à coup sûr bien plus vraie que nature 
Dans ce déguisement qui avait fière allure ! 
Quelle fabuleuse idée était-ce de venir 
En tenue de sorcière hideuse à défaillir, 
D'avoir si bien imité son aspect repoussant 
Jusqu'à lui emprunter son rictus menaçant ! 
Aussi le lendemain notre vieille édentée 
S'empressa de trouver la bienveillante fée, 
Pour la dédommager d'avoir fait des merveilles, 
En lui faisant présent d'une soupe d'oseille.
 
Épris de naturel et de simplicité 
Vous en retiendrez donc cette moralité : 
Les sorcières d'antan et les fées d'autrefois 
Ont gardé tous ces charmes qui nous laissent pantois, 
Ainsi que les secrets de tous leurs sortilèges 
Dont les simples mortels n'auront le privilège, 
Sans regret ni envie, parce qu'en vérité 
La suprême magie est l'authenticité.
texte écrit par 23.CCL.Anonyme23
