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SOUVENIR DE VACANCES

Cela faisait plusieurs soirées que notre père en parlait.
Cet été nous irons faire du bateau sur le lac !
Il avait acheté une barque, dont les rames entreposées sur le balcon en était pour nous la preuve !
Nos rêves d'enfants étaient désormais liés à cette aventure prochaine : ramer, pêcher, nager au milieu du lac,.,,les vacances s'annonçaient géantes !

Début juillet, la voiture est pleine, les rames sont arrimées sur la galerie, à nous l'aventure !
3 heures de routes, vite avalées à force de compter les voitures rouges, énumérer les départements, repérer les camions , les voitures étrangères...

Notre père annonce l'ultime virage avant de découvrir le lac dans toute sa splendeur.
Horreur !!, le lac est vide, pas d' eau si ce n'est un filet au milieu qu'on devine à peine dans un
canyon.

Après ce moment de stupeur nous allons jusqu'à notre campement, laissons la voiture et notre père nous mène jusqu'à l'embarcadère.

Sans le connaître , nous reconnaissons notre bateau, sa coque dorée, le liseré rouge. On ne voit que ça le reste est englouti dans la vase, prisonnier d'une gangue informe, grotesque .

En choeur nous nous mettons à pleurer mon frère est moi, nos parents essaient de nous consoler mais on les sent aussi dépités et tristes.

Fin l'aventure avant même d'avoir commenceé, ces 15 jours de vacances seront les plus sombres de mon enfance.

C'est plus tard, beaucoup plus tard que je me suis souvenue de nos délires joyeux d'enfants qui ont dures 2 mois, à partir du moment où nous avons su que nous aurions un bateau.
Cela avait alimenté notre imaginaire,, avait été source de complicité unique avec mon frère, nous avions beaucoup ri, nous nous étions disputé un peu aussi. Nous nous inventions des scénarios de pirates et naufragés. Finalement ce temps avait duré plus longtemps que les vacances elles-mêmes et se fut aussi une belle aventure !

Odile

 

Gris, gris, gris, tout est gris. Le ciel, la terre, les maisons éventrées, les épaves de voiture, les restes d’un square, de jeux d’enfants, les poutres et lampadaires à terre. Grises les rues où plus personne ne circule. Tous les habitants ont été évacués. Chaitén, Chili sud, après une éruption de cendres du volcan du même nom. Le petit bourg au bord de l’eau a été entièrement recouvert par des tonnes de poussière grise.
Nous approchons de ce qui fut le port. Les maisons sont enfoncées de travers, murs penchés, premier étage de plain pied. Les bateaux sont à demi enterrés, poupes ou proues enfoncées dans le gris solide. La vraie mer, liquide, a reculé d’au moins cent mètres. Elle se devine au loin.
Paysage lunaire par l’absence de bruit, de couleur, de mouvement, mêlé à l’évocation sinistre de la vie passée. Nous continuons le long de ce qui fut une jetée. Un faible rayon de soleil a fini par percer. Au milieu du gris, un espace lumineux : une coque de bateau, émergeant aux deux tiers. Pourquoi n’est-elle pas grise ? Est-elle venue après, pour se faire bloquer dans une mer de cendres ? Ou le propriétaire, de retour pour constater les dégâts, l’a-t-il nettoyée pour atténuer son désespoir ? Sous elle, les vaguelettes grises semblent sortir de l’immobilité.

Patricia Thuriet
UTL Gap 4 avril 2019